Dans une petite ferme, au creux d'un vert vallon,
Il y avait deux ânes : Papon et Patachon.
Les samedis, pour aller au marché, ils tiraient
Une lourde carriole chargée d'œufs, de grain et de lait.
Les animaux aimaient tirer ainsi leur charge
Et ils allaient à vive allure sur toute la route
Sauf parfois sur la côte, dans le dernier virage
où la montée est rude le long de la redoute.
Mais alors, quand enfin ils arrivaient au marché,
Quand enfin le fermier les avaient dételés,
Quelle joie de s'ébaudir parmi tous les baudets
Venus des fermes alentours partager un godet !
Des heures passées à rire, à boire et à braire
Entre ânes du voisinage. Que de bons souvenirs
De ces jours de marché ! En rentrant nos compères
N'avaient qu'une seule hâte : celle d'y revenir.
Mais un samedi matin, Papon était malade.
Patachon, attelé seul, esquisse une ruade,
Mais le bâton du maître le convainquit bien vite
De tirer le chariot. Et à son grand mérite,
Patachon réussit à atteindre le marché.
Il avait bien souffert, tout le long du chemin
La carriole, si pesante, glissait sur les graviers
Le harnais trop tendu lui irritait les reins.
Dans le dernier virage, le long de la redoute,
Patachon, notre héro, eut un moment de doute.
La charge était si lourde qu'il se vit un instant,
Entraîné vers l'arrière sans pouvoir résister,
Tomber dans une ornière avec son chargement.
Mais il se trompait et, continuant d'avancer,
Pas à pas il finit par atteindre la ville.
Au marché il s'endort de façon peu civile
Sans répondre aux autres ânes s'enquérant de Papon.
Mais il avait fait là un exploit. Patachon,
Fier, s'en venta toute la semaine.
Et quand revint le samedi, les deux compères unis
Se rendirent au marché en tirant sans peine
Sur le mauvais gravier la carriole dégarnie.
Ce jour là, le fermier ne vendit que peu d'œufs,
Et de lait, ne vendit aucune graine. Non, il veut
Faire un bon bénéfice en revendant Papon
à l'équarrisseur qui en fera du saucisson.
Braiments, cris et ruades n'émeuvent pas le fermier.
Sa décision est prise. Le taux d'imposition,
Les coûts d'exploitation et les impôts fonciers
Ont rendus nécessaire cette dure décision.
Et puis de toutes façons, pourquoi nourrir deux animaux
S'il en suffit d'un seul pour tirer le chariot ?
Le soir Patachon rentre, sous les coups de bâton
En tirant un chariot rempli de saucisson.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire