À Villoulâme,
Gentil pays
Vivaient des femmes
Et des maris.
Chaque matin
Soleil levant
Près du moulin
Dans le grand champ
Les femmes s'assemblent
Et, travaillant,
Content leurs journées
Et leurs tourments.
Une moud le grain
En se plaignant
D'un jeune marin
Parti au loin,
L'autre cuit le pain
En médisant
De son amant
Trop libertin.
Et puis l'on vient,
Va dans le champ
Tout en cousant
Et en causant
Pour raconter
Tous les potins.
Mais vient un jour
Où, fatiguée,
Éva déserte
L'assemblée.
Les femmes inquiètes,
En ambassade,
À son chevet
Voient la malade.
Elle évoque la fatigue,
Le droit à la paresse,
Et un bien bon mari
Qui, plein de gentillese,
S'en ira dès demain
Et moudre le grain
Et cuire le pain.
Les jours passent,
Eva ne revient pas.
Elle coud chez elle,
Et chaque jour elle chasse
De sa maison toutes celles
Qui de visites l'embarassent.
«C'est mon droit et c'est mon choix.
Respectez ma volonté.
J'ai envie de rester seule.
Laissez m'en la liberté.»
Ainsi Éva vivait sa vie,
Seule, isolée, loin de ses amies.
N'allant plus à l'assemblée,
Ne donnant plus de nouvelles,
Elle avait rompu ainsi
Une tradition fort ancienne.
Puis un matin, à l'assemblée, paraît Jean-Louis,
Homme exemplaire et bon voisin, un pieux dévot, un vrai gentil.
Sa femme Marie,
Tout comme Éva,
A fait le choix
De rester seule
Et n'viendra pas.
Il veille sur elle.
On n's'inquiète pas
Et l'on respecte
Sa solitude
Et sa retraite.
Mais seule chez elle,
Marie s'ennuie
En attendant
Son beau mari.
Elle est fidèle,
Elle a compris
Qu'il n'aime qu'elle,
Qu'elle est à lui.
Il n'aime pas ses amies
Qui papotent comme des pies.
Ils en ont convenu,
Elle ne les verra plus.
Plus de bavardages, plus de potins,
Plus de commérages, plus d'entrain.
La vie est terne.
Elle coud, repasse, cuisine...
Et elle s'enferme
Dans la routine.
Éva le fait.
Pourquoi pas moi ?
Une femme parfaite,
Épouse dévouée
Pour le bonheur
De son foyer.
Elle travaille dur,
Mais c'est pour lui,
Pour son mari.
Un homme, bien sûr,
Qui le mérite.
Il est parfait !
Seule, elle médite,
Élève son âme
Loin des bonnes femmes,
Loin des ragots.
Il est jaloux
N'veut pas qu'elle sorte ?
C'est parce qu'il l'aime
Par-dessus tout.
S'il la dispute,
C'est pour son bien,
Pour la garder
Sur l'droit chemin.
Et si parfois
Il lève la main
C'est qu'il est homme
Et non un saint.
Elle est si sotte, si paresseuse,
Si peu lubrique, si ennuyeuse...
Quel homme, autre que lui,
Pourrait donc l'aimer cette pauvre Marie ?
Elle crie, elle pleure, est toujours triste...
C'est à tout dire une hystérique.
Puis un matin
S'en vient Éva,
Sourire taquin,
Colis au bras...
«J'ai des gâteaux à partager et je les porte à l'assemblée.»
Marie la suit,
Parle, mange et rit.
Et puis elle pleure,
Et on l'écoute.
Toutes sont des sœurs,
Aucune ne doute.
En fin d'après-midi,
S'en vient Jean-Louis,
Pour chercher sa Marie.
Mais les femmes assemblées
S'emparant de rochers
L'enfouissent sous un pierrier.
À Villoulâme
Gentil pays
Certaines femmes
N'ont pas d'mari.
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