Le bœuf et le destrier
Sur la place du village
Bœuf et cheval attendaient
Qu'un employeur de passage
Vienne à eux les embaucher.
Belle avoine et belle étable
Les avantages d'un métier
Et d'avoir un emploi stable
Motivaient nos équidés.
Un charretier vient à passer
Cherchant tireur de chariot
Pour emporter au marché
Des outils et des métaux.
Le cheval a belle allure,
Robe brillante et beau sabot.
Il parade d'un pas sûr,
éblouissant les badauds.
Le bœuf, lui, est plus rustique.
Le pas lourd, l'air empatté,
Il envie l'air athlétique,
De son confrère à quatre pieds.
Le charretier offre au cheval
Dur labeur, maigre dîner,
Une stalle dans une étable,
Une place dans la société.
« Moi, tirer des chariots ? »
Répond le bel arrogant.
« Je maîtrise l'amble, le galop,
Le pas espagnol et le saut,
Et j'irai tous les jours
M'astreindre à si durs travaux
Pour mériter le séjour
D'une étable comme un veau ?
Le bœuf, lui, bien mieux que moi
Est fait pour les lourds travaux.
C'est un animal de bât,
Endurant, solide et gros. »
Mais sa maman la jument
De cet avis fait critique.
« Arrogant, paresseux, exigeant, tire au flanc !
On t'offre cet emploi, accepte sans détours !
Mon fils, un fainéant, vivre de l'avoine publique !
Aller sans son, panse vide,
Rêvant de parades, de châteaux, de belles tours,
De chasses et de manèges en mendiant son picotin !
Non ! Tu es mon fils ! Robuste et travailleur,
Tu es dur à l'effort, volontaire, avide
De vivre de ton travail, de prouver ta valeur,
Sans dédaigner même les tâches les plus insipides. »
Le cheval suit le charretier,
Et le bœuf reste sur la place.
Vient un forain, décidé,
à prendre pour son spectacle
Un nouvel animal :
Lion, otarie, éléphant
Ou bien un beau destrier
Robe brillante, pas élégant,
Sachant l'amble et bien dressé.
Mais nul animal ne convint à ses vœux,
Et le bœuf, sans emploi, fut mangé sans adieux.
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