jeudi 10 octobre 2024

Poème d'un étudiant en maths

 Poème d'un camarade d'un étudiant en mathématiques (un camarade de promo) : 

À l'automne,

Je raisonne.

Sans virgules,

Des calculs 

Qui s'enchaînent 

Ça entraîne.

Paradoxes,

Sans intox,

Équations,

Et passions,

Avec ceux,

Courageux,

Les séances,

En silence,

Agrandissent

Les esprits

Tous surpris.

mardi 1 octobre 2024

Toudoum, toudoum, roulent les tambours

 Toudoum, toudoum, roulent les tambours.

Toudoum, toudoum, roulent les tambours. 

Au pas, au pas, marchent les soldats.

Au pas, au pas, marchent les soldats.


Ta belle chemise bien repassée,

Tous les boutons bien ajustés,

Tu sors des classes prêt à partir,

Tu sors des classes prêt à mourir,

Mais au final tu t'en vas tuer

Des tas d'pauvres gens qu'ont rien d'mandé.


Toudoum, toudoum, roulent les tambours.

Toudoum, toudoum, roulent les tambours. 

Au pas, au pas, marchent les soldats.

Au pas, au pas, marchent les soldats.


Tu t'en vas tuer des pauvres civils,

Assassiner des gars, des filles

Parceque tu voudrais te venger 

De ces connards de l'autre côté.


Toudoum, toudoum, roulent les tambours.

Toudoum, toudoum, roulent les tambours. 

Au pas, au pas, marchent les soldats.

Au pas, au pas, marchent les soldats.


Le coeur battant, fusil en main,

Tu es content, tu te souviens 

De ton passé, d'un autre matin 

De cette bombe dans ton jardin 

De ta p'tite sœur l'poumon percé 

D'sa balançoire et d'sa poupée,

De toutes ces larmes que t'as versées.


Toudoum, toudoum, roulent les tambours.

Toudoum, toudoum, roulent les tambours. 

Au pas, au pas, marchent les soldats.

Au pas, au pas, marchent les soldats.


Ça y est t'es là, tu es armé. 

C'est une enfant dans ta visée. 

Une balançoire et une poupée...

C'est son reflet. Vas-tu tirer ?


Toudoum, toudoum, roulent les tambours.

Toudoum, toudoum, roulent les tambours. 

Au pas, au pas, marchent les soldats.

Au pas, au pas, marchent les soldats.


Quand l'général t'ordonne de tuer

Des pauvres enfants qu'ont rien d'mandé

Dis-moi soldat, pour te venger,

Ton fusil à canon rayé 

Sur qui vas-tu donc le pointer ?


Toudoum, toudoum, roulent les tambours.

Toudoum, toudoum, roulent les tambours. 

Au pas, au pas, moi j'marcherai pas.

vendredi 27 septembre 2024

Paysage d'automne

 Une jolie maison

Ombragée d'un vieux cèdre,

Du linge sur le balcon

Plié en tétraèdre.


Au jardin un putois

Tous les sens en alerte

Avance avec effroi

Sur la pelouse déserte.


Sur une table en bois 

Des dattes et des grenades. 

Tout près un chien aboie, 

Il rêve de promenades. 


Mais son humain absent,

À ses devoirs rebelle,

Parti le délaissant 

N'emplit plus sa gamelle.


Même les fleurs ont soif

Sur les bords de l'allée. 

En haut des tiges, la coiffe

Est en train de faner.


Au-delà du jardin 

Tout près du tournesol

Dans un bosquet de thym

Une bible tombée au sol.


Échappée, mais pourquoi ?

Une page transfuge :

"Oh mon dieu protège moi

Car tu es mon refuge."


Et au bout de la route

Une église effondrée.


Près du choeur, sous la voute,

Se trouvent, éparpillés,

L'uniforme d'un boy scout,

Puis trois têtes et six pieds.

jeudi 26 septembre 2024

On vire des ouvriers

 Nouveau chef à l'usine 

Qui veut restructurer 

On déplace les machines

Et vire des ouvriers 



Le rythme de travail 

A bien sûr augmenté

Et quand certains déraillent 

On vire des ouvriers 


Viennent les intérimaires 

Mais à peine arrivés 

On voit qu'ils coûtent trop cher 

On vire des ouvriers.


À l'usine plus personne 

N'sait comment travailler.

La direction s'étonne 

Et vire des ouvriers.


Il n'y a plus d'protocole 

De normes d'sécurité

Comme on peut on bricole

Pour pas finir virés. 


Puis c'est épouvantable 

Une ligne a explosé.

Faut trouver un coupable 

C'est bien sûr l'ouvrier. 

jeudi 20 juin 2024

Les deux ânes

 

Dans une petite ferme, au creux d'un vert vallon,
Il y avait deux ânes : Papon et Patachon.
Les samedis, pour aller au marché, ils tiraient
Une lourde carriole chargée d'œufs, de grain et de lait.
Les animaux aimaient tirer ainsi leur charge
Et ils allaient à vive allure sur toute la route
Sauf parfois sur la côte, dans le dernier virage
où la montée est rude le long de la redoute.


Mais alors, quand enfin ils arrivaient au marché,
Quand enfin le fermier les avaient dételés,
Quelle joie de s'ébaudir parmi tous les baudets
Venus des fermes alentours partager un godet !
Des heures passées à rire, à boire et à braire
Entre ânes du voisinage. Que de bons souvenirs
De ces jours de marché ! En rentrant nos compères
N'avaient qu'une seule hâte : celle d'y revenir.


Mais un samedi matin, Papon était malade.
Patachon, attelé seul, esquisse une ruade,
Mais le bâton du maître le convainquit bien vite
De tirer le chariot. Et à son grand mérite,
Patachon réussit à atteindre le marché.
Il avait bien souffert, tout le long du chemin
La carriole, si pesante, glissait sur les graviers
Le harnais trop tendu lui irritait les reins.


Dans le dernier virage, le long de la redoute,
Patachon, notre héro, eut un moment de doute.
La charge était si lourde qu'il se vit un instant,
Entraîné vers l'arrière sans pouvoir résister,
Tomber dans une ornière avec son chargement.
Mais il se trompait et, continuant d'avancer,
Pas à pas il finit par atteindre la ville.
Au marché il s'endort de façon peu civile
Sans répondre aux autres ânes s'enquérant de Papon.
Mais il avait fait là un exploit. Patachon,
Fier, s'en venta toute la semaine.
Et quand revint le samedi, les deux compères unis
Se rendirent au marché en tirant sans peine
Sur le mauvais gravier la carriole dégarnie.


Ce jour là, le fermier ne vendit que peu d'œufs,
Et de lait, ne vendit aucune graine. Non, il veut
Faire un bon bénéfice en revendant Papon
à l'équarrisseur qui en fera du saucisson.
Braiments, cris et ruades n'émeuvent pas le fermier.
Sa décision est prise. Le taux d'imposition,
Les coûts d'exploitation et les impôts fonciers
Ont rendus nécessaire cette dure décision.


Et puis de toutes façons, pourquoi nourrir deux animaux
S'il en suffit d'un seul pour tirer le chariot ?
Le soir Patachon rentre, sous les coups de bâton
En tirant un chariot rempli de saucisson.

Le bœuf et le destrier

 

Le bœuf et le destrier

Sur la place du village
Bœuf et cheval attendaient
Qu'un employeur de passage
Vienne à eux les embaucher.

Belle avoine et belle étable
Les avantages d'un métier
Et d'avoir un emploi stable
Motivaient nos équidés.

Un charretier vient à passer
Cherchant tireur de chariot
Pour emporter au marché
Des outils et des métaux.

Le cheval a belle allure,
Robe brillante et beau sabot.
Il parade d'un pas sûr,
éblouissant les badauds.

Le bœuf, lui, est plus rustique.
Le pas lourd, l'air empatté,
Il envie l'air athlétique,
De son confrère à quatre pieds.

Le charretier offre au cheval
Dur labeur, maigre dîner,
Une stalle dans une étable,
Une place dans la société.

« Moi, tirer des chariots ? »
Répond le bel arrogant.
« Je maîtrise l'amble, le galop,
Le pas espagnol et le saut,

Et j'irai tous les jours
M'astreindre à si durs travaux
Pour mériter le séjour
D'une étable comme un veau ?

Le bœuf, lui, bien mieux que moi
Est fait pour les lourds travaux.
C'est un animal de bât,
Endurant, solide et gros. »

Mais sa maman la jument
De cet avis fait critique.

« Arrogant, paresseux, exigeant, tire au flanc !
On t'offre cet emploi, accepte sans détours !
Mon fils, un fainéant, vivre de l'avoine publique !
Aller sans son, panse vide,
Rêvant de parades, de châteaux, de belles tours,
De chasses et de manèges en mendiant son picotin !

Non ! Tu es mon fils ! Robuste et travailleur,
Tu es dur à l'effort, volontaire, avide
De vivre de ton travail, de prouver ta valeur,
Sans dédaigner même les tâches les plus insipides. »
Le cheval suit le charretier,
Et le bœuf reste sur la place.

Vient un forain, décidé,
à prendre pour son spectacle
Un nouvel animal :
Lion, otarie, éléphant
Ou bien un beau destrier
Robe brillante, pas élégant,
Sachant l'amble et bien dressé.

Mais nul animal ne convint à ses vœux,
Et le bœuf, sans emploi, fut mangé sans adieux.

mercredi 19 juin 2024

Carthage

 

 Carthage

(écrit en 2020, pendant le confinement du covid)

Durant le temps antique,
Il y-avait à Carthage
Une statue mystique
Surplombant le rivage.

Dédié à Baal,
Cet artefact d'airain
Protégeait de tout mal
Ses fidèles citadins.

Si quelque catastrophe
Frappait la pieuse cité
Les doctes théosophes
Ordonnaient, sans ciller,

D’emplir les catacombes
D’enfants, de nouveaux nés
En une grande hécatombe
Pour la divinité.

Et quand l’armée romaine
S’en vint avec des piques
En traversant les plaines
Porter la république

Les nobles carthaginois,
Réfractaires au changement,
Pour conserver leurs lois
Sacrifièrent leurs enfants.

Et deux cent jeunes vies,
Placées à fond perdu,
Furent en vain englouties
Par l’horrible statue.

À notre époque moderne,
En pleine pandémie,
Le dieu qui nous gouverne
Est bien l’économie.

Parfois, dans sa colère,
Le capitalisme frappe
Et plonge dans la misère
Les victimes qu’il attrape.

Chômage, pauvreté,
Ses instincts homicides
Poussent les surendettés,
Parfois jusqu’au suicide.

La crise est commencée.
Les augures de tous bords
Nous l’ont bien déclaré :
Il y aura des morts.

Nous nous sommes détournés
De ses tristes autels
Et tous, sans travailler,
Déposant nos truelles,

Nous sommes restés chez nous.
L’économie en rage
De par ses manitous
Nous annonce un carnage.

Combien de morts faut-il ?
Pour calmer la fureur
D’une crise imbécile
Combien, dans notre ferveur,

Sacrifierons nous de vies ?
Dix ? Cent ? Cinq-cent ? Dix-mille ?
Plus que la maladie
Soit plus de trois cent mille.

Des humains qui mourront
Pour que l’économie,
En un glorieux rebond
Puisse poursuivre sa vie.

La crise économique fera plus de morts que la covid : https://www.rtl.fr/actu/politique/coronavirus-la-chute-de-l-economie-fera-beaucoup-plus-mal-que-le-covid-19-dit-bost-7800450431

Le 15 mai 2020, on compte plus de 300 000 morts de la covid : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/15/coronavirus-dans-le-monde-plus-de-300-000-deces-recenses-deconfinement-en-ordre-disperse_6039711_3210.html

Les castors et le barrage

 

 Les castors et le barrage

Il y avait jadis, dans les plaines d'Acadie
Un village de castors avec un grand barrage
Aux mille rondins de bois. Le plus solide barrage
Que castor eut construit dans les plaines d'Acadie.

Il y avait au village dans les plaines d'Acadie
La hutte d'un vieux sage, solide et bien bâtie,
Avec un grand faîtage et un toit de mélèze,
Des murs tout en glaise en dessous du crépi
Comme il était d'usage dans les plaines d'Acadie.

Il s'en vint au village un p'ti jeune, un archi
Qui changea les usages des habitants d'ici.
Faire des économies est le nouvel adage.
De bois juste ce qu'il faut, pas un rondin de trop,
Sur-qualité bannie des plaines d'Acadie.

Les nouvelles constructions, légères et forts jolies
Reprennent aux anciennes le bois qu'elles ont en trop,
Et des rondins volages quittent la hutte du vieux sage
Pour construire ainsi la maison de l'archi,
Celles du lean manager, du responsable branchages.
Il en alla ainsi dans les plaines d'Acadie.

Et même le barrage fut ainsi déconstruit.
De ses milles rondins, on en ôta cent-vingts,
Puis cent-vingt autres aussi. Sur ordre de l'archi
On ajuste à l'étiage(*) la structure de l'ouvrage.

Mais quand s'en vint l'orage et quand tomba la pluie,
Dans la plaine d'Acadie, la rivière en rage
Emporte le barrage et le village aussi.

(*) L'étiage est le débit minimal d'un cours d'eau, en hydrologie. Il correspond statistiquement (en moyenne, sur plusieurs années) à la période de l'année où le niveau d'un cours d'eau atteint son point le plus bas (basses eaux).
C'est un mot de la famille de « été » : saison où, en France métroplolitaine, les fleuves sont au plus bas.  

Roman policier

 

 Roman policier du 19ème siècle :

Le tueur en série se rend au bureau de poste du village et envoie une lettre de défi à la police, puis il commet un meurtre. Le commissaire se rend dans le village, résout l’enquête et met le meurtrier en prison.

Roman policier du 20ème siècle :

Le commissaire reçoit une lettre annonçant que sa grand-mère va être assassinée. Quand il arrive au village, elle est déjà morte. Il enquête et révèle qu’elle a été tuée par un de ses héritiers, qui a essayé de se faire passer pour un tueur en série célèbre en envoyant une lettre à la police.

Coup de théâtre : le postier révèle qu’il a reconnu le commissaire. C’est lui qui a posté la lettre. Il a assassiné sa grand-mère et voulait faire emprisonner le seul autre héritier.

Roman policier du 21ème siècle :

Le meurtrier n’a pas envoyé de lettre car la poste du village a fermé. Le commissaire a bien reçu un mail, mais il est débordé par les tâches administratives et n’aura pas le temps d’aller enquêter sur le terrain. Le dossier est classé.

Roman policier intemporel :

Tout le monde croit que les fainéants qui vivent aux crochets de la société ce sont les chômeurs et les immigrés.

Coup de théâtre : ce sont en fait les actionnaires. 

mardi 18 juin 2024

Science fiction

 Goussainville - Avril 2093

Triachka doit traverser les banlieues nord de Paris en voiture. Ce n'est jamais agréable de venir ici, elle aurait préféré prendre l'autoroute et filer tout droit sans se confronter à toute la misère de ces quartiers. Mais par malheur, l'autoroute est fermée. Et double coup de malchance, sa jauge d'oxygène est basse, et elle doit s'arrêter pour faire le plein.

Elle s'arrête dans une petite rue, à côté d'un distributeur d'ox public. Elle met son masque, ouvre le sas et sort de sa voiture. Les immeubles sont aussi gris que la chaussée et que les nuages de pollution qui flottent tout autour d'elle.

Triachka branche le tuyau sur l'arrivée d'ox de sa voiture. Il lui faut presque 3.000 litres. À deux centimes du litre, elle va en avoir pour une soixantaine d'euros. C'est vraiment de l'arnaque, ces distributeurs de rue. L'air obtenu après le plein sera de qualité médiocre : les filtres de sa voiture vont réutiliser l'azote et les autres éléments déjà présents dans l'habitacle pour former un mélange respirable. Mais elle n'aura pas la qualité optimale de l'air de ville pré-mélangé qu'elle respire chez elle. Et pourtant, l'air pré-mélangé revient beaucoup moins cher qu'un simple plein d'ox.

Triachka regarde autour d'elle. Dans l'immeuble d'en face, elle voit une chose invraisemblable. Quelque chose de complètement fou. Elle n'avait pas vu ça depuis au moins dix ans. Elle voit une fenêtre ouverte.

Ces gens sont tarés ! L'air pré-mélangé est plus économique que l'ox des pompes, mais il est tout de même suffisamment cher pour ne pas le jeter par la fenêtre !

Les ouvrants pivotent librement sur les charnières, au gré du vent. Les petites oscillations semblent sans fin. Et parfois, sur un revers, le cadre en PVC percute un petit nuage noir de pollution, qui s'éparpille alors dans l'air gris ambiant. C'est une vision proprement incroyable.

Un avion passe au-dessus de la rue. C'est un cargo, un de ces énormes aéronefs qui transportent les marchandises d'un bout à l'autre du globe. Probablement un transport d'air. Triachka n'a jamais compris pourquoi les plus riches font venir leur air d'aussi loin. Oxygène de la forêt amazonienne, vapeur d'eau des glaces arctiques, azote du Groenland… Ces produits de luxe lui ont toujours semblés ridicules. La composition de l'air obtenue avec ses produits d'importation est exactement la même que celle de l'air de ville. 78% d'azote, 21% d'oxygène… Qu'est-ce que ça change que l'oxygène ait parcouru des milliers de kilomètres avant d'arriver dans ses poumons ? Certains se flattent de l'idée que ce serait plus sain, plus naturel. Mais la moindre analyse chimique conclut à l'absence complète de bénéfices de l'air importé. Il est simplement beaucoup plus cher. Et bien sûr, les avions-cargos qui importent l'air du pôle nord déversent de noires fumées qui polluent la planète…

Autrefois, des mouvements écologistes ont voulu faire interdire l'importation d'air par avion. Ils voulaient le limiter au transport par bateau, moins polluant. Mais les industriels ont relevé cela comme une intolérable atteinte à leur liberté. Interdire ? Et puis quoi encore ? Le marché s'auto-régule. L'importation d'air par avion est plus chère, et donc, si les clients sont prêts à payer pour, c'est qu'ils en ressentent un besoin véritable. Au nom de quoi pourrait-on déclarer que ce besoin n'est pas valable ?

Les nuages de pollution émis par l'avion continuent de descendre, comme une grosse chape noire. Ils vont bientôt arriver en haut de l'immeuble. Triachka ne va pas pouvoir repartir tout de suite. Il sera impossible de conduire pendant un bon quart d'heure, dans cette purée de poids. Si seulement elle était sur l'autoroute, dans un des tunnels protégés…

Soudain, un coup de sifflet retentit. Il est émis par une machine grossière, une sorte de boîtier mal peint avec des fils protubérants de tous côtés. Triachka ne l'a vu qu'une seconde, l'appareil est en train de disparaître dans le nuage de pollution.

Un visage parait à la fenêtre ouverte. C'est un enfant, mais… Il fait un sourire à Triachka, jette un regard vers le haut, voit le nuage de pollution qui descend sur lui, et s'empresser de fermer.

Triachka aussi se met à l'abri. Elle remonte dans sa voiture, et attend que le nuage noir les engloutisse. Elle n'allume pas la lumière de l'habitacle. Dans l'obscurité, elle contemple le visage de cet enfant qu'elle n'a vu qu'un instant. Il est d'une pâleur extrême, très maigre, les membres grêles. Il ne doit faire que très peu d'exercice physique. Son sourire est difforme, les dents sont plantées de traviole et les lèvres de l'enfant sont tellement gercées qu'elles en saignent.

Ce gamin a-t-il déjà vu un médecin ? L'air malsain qu'il respire à longueur de journée le rend chétif et malade. Pourquoi ses parents le laissent-ils respirer de la merde pareille ? Ils devraient s'abonner au pré-mélangé. Peut-être qu'on leur a coupé l'air pour impayé ? Ces pauvres, incapables de gérer leur budget, toujours à acheter des écrans dernier cri et des stations de jeu au lieu de payer les factures ! Il y a des gens qui ne devraient pas avoir le droit de faire des enfants, c'est n'importe quoi de vivre comme ça, de respirer de l'air naturel, de se balader sans masque…

Triachka pose la tête sur le dossier de sa voiture. Puis elle regarde dehors. On ne voit rien. De la fumée noire, l'air pollué par l'avion-cargo géant qui a survolé la rue il y a quelques minutes. Il va à Roissy, probablement. Et sa cargaison ? Quel genre de gens achète cet air ? Elle essaie d'imaginer…



Au Palais Vivienne, des experts en stratégie d'entreprise vantent la qualité de leur air importé directement de Norvège par avion. C'est une nouveauté : il est récupéré directement depuis les poches d'air des glaciers en train de fondre. De l'air qui était emprisonné là depuis des centaines d'année. De l'air naturel, comme en respirait nos ancêtres… Bien évidement, il a été retraité, pour être rendu encore plus sain. Mais il a conservé une petite odeur naturelle, une senteur marine assez subtile que les nez les plus raffinés savent apprécier. C'est une rareté. Un produit exceptionnel. Et nous en avons besoin, n'est-ce pas, pour activer nos neurones et travailler au mieux sur ce nouveau plan de licenciement ?

Science fiction

 

Strasbourg - Mars 2043

L'usine pétrolière Bolloré Energie de Strasbourg vient d'exploser. Une grosse fumée noire se dégage des décombres.

Marion, étudiante, prend son sac et file vers la gare hyperloop. En chemin, elle sort son smartphone et va sur le site de l'Hyperloop Company pour prendre un billet. Sur la page d'accueil, un message s'affiche.

"La demande pour les trajets hyperloop au départ de Strasbourg est exceptionnellement importante. Du fait de la tarification dynamique de notre entreprise, les prix sont plus élevés que d'ordinaire. Cela n'est pas le fait de notre entreprise. Si vous souhaitez bénéficier de prix plus bas, n'hésitez pas à reporter votre voyage."

Marion déglutit, et clique quand même sur "Acheter un billet - départ immédiat". Le prix du billet a tellement de chiffres qu'il déborde du cadre prévu pour le contenir. Même en s'endettant sur 30 ans, elle ne pourrait pas payer un prix pareil. Elle va quand même à la gare. C'est bondé, tout le monde se presse dans tous les sens. Quelques passagers munis de billets parviennent à franchir les portiques malgré la cohue. Un train arrive, les passagers disséminés sur le quai montent. La rame repart, à moitié vide. Dans la gare, c'est l'émeute. Une foule en colère s'empare d'une table, et l'utilise comme bélier pour attaquer les portiques. Hors de question que le prochain train parte à moitié vide.

Un message retentit sur les hauts-parleurs. "L'Hyperloop Company ne saurait en aucun cas être tenue responsable de l'afflux de voyageurs en gare de Strasbourg. Les tarifs sont fixés par la loi de l'offre et de la demande, et ne peuvent aucunement nous être imputés. Veuillez croire que nous faisons le maximum pour faire circuler autant de rames que possible afin de limiter l'impact de l'augmentation de la demande sur les tarifs. Si néanmoins les conditions tarifaires ne vont satisfont pas, nous vous suggérons de reporter votre voyage ou de vous adresser à la concurrence. Aucune dégradation du matériel ne sera tolérée."

Le portique cède, les gens s'engouffrent sur le quai. Un nouveau message retentit. "Mesdames, Messieurs, suite à une émeute à Strasbourg, cette gare est désormais fermée. Plus aucun train ne circulera jusqu'à ce que l'ordre soit rétabli. Nous vous prions de croire que nous faisons tout notre possible pour que le service reprenne dans des conditions acceptables d'ordre et de sécurité dans les plus brefs délais."



Louis passait rue de Rouen, devant l'usine pétrochimique de Bolloré, quand il a reçu un gros caillou sur la tête. Il s'est effondré par terre dans une flaque de sang, inconscient. Une voiture qui passait par là s'est arrêtée et les passagers l'ont chargé à bord avant de filer à l'hôpital Bernard Arnault. Louis a repris conscience dans la voiture. Arrivé à l'accueil des urgences, il insère sa carte vitale et sa carte bleue dans le portique d'accès. Il a la tête qui tourne, il voit flou... Heureusement ses bienfaiteurs l'aident à suivre les instructions de la machine. Soudain, un message apparaît à l'écran : "Du fait d'un afflux soudain de patients, les tarifs hospitaliers vont être ajustés à la hausse. Ceci n'est aucunement dû à un choix de l'entreprise mais résulte de la simple mécanique de l'offre et de la demande en matière de soins hospitaliers. Si vous êtes venus pour une visite de routine ou une pathologie non urgente, n'hésitez pas à reporter votre consultation. Si votre état nécessite des soins urgents mais que vous ne souhaitez pas vous acquitter du prix de la consultation ici, vous pouvez vous reportez sur les hôpitaux voisins : l'hôpital Coco Chanel, 16 rue Sainte Elisabeth ou l'hôpital Serge Dassault, 1 quai Louis Pasteur."

Villoulâme

 À Villoulâme,
Gentil pays
Vivaient des femmes
Et des maris.

Chaque matin
Soleil levant
Près du moulin
Dans le grand champ
Les femmes s'assemblent
Et, travaillant,
Content leurs journées
Et leurs tourments.

Une moud le grain
En se plaignant
D'un jeune marin
Parti au loin,

L'autre cuit le pain
En médisant
De son amant
Trop libertin.

Et puis l'on vient,
Va dans le champ
Tout en cousant
Et en causant
Pour raconter
Tous les potins.

Mais vient un jour
Où, fatiguée,
Éva déserte
L'assemblée.

Les femmes inquiètes,
En ambassade,
À son chevet
Voient la malade.

Elle évoque la fatigue,
Le droit à la paresse,
Et un bien bon mari
Qui, plein de gentillese,
S'en ira dès demain
Et moudre le grain
Et cuire le pain.

Les jours passent,
Eva ne revient pas.
Elle coud chez elle,
Et chaque jour elle chasse
De sa maison toutes celles
Qui de visites l'embarassent.

«C'est mon droit et c'est mon choix.
Respectez ma volonté.
J'ai envie de rester seule.
Laissez m'en la liberté.»

Ainsi Éva vivait sa vie,
Seule, isolée, loin de ses amies.
N'allant plus à l'assemblée,
Ne donnant plus de nouvelles,
Elle avait rompu ainsi
Une tradition fort ancienne.

Puis un matin, à l'assemblée, paraît Jean-Louis,
Homme exemplaire et bon voisin, un pieux dévot, un vrai gentil.

Sa femme Marie,
Tout comme Éva,
A fait le choix
De rester seule
Et n'viendra pas.

Il veille sur elle.
On n's'inquiète pas
Et l'on respecte
Sa solitude
Et sa retraite.

Mais seule chez elle,
Marie s'ennuie
En attendant
Son beau mari.

Elle est fidèle,
Elle a compris
Qu'il n'aime qu'elle,
Qu'elle est à lui.

Il n'aime pas ses amies
Qui papotent comme des pies.
Ils en ont convenu,
Elle ne les verra plus.

Plus de bavardages, plus de potins,
Plus de commérages, plus d'entrain.

La vie est terne.
Elle coud, repasse, cuisine...
Et elle s'enferme
Dans la routine.

Éva le fait.
Pourquoi pas moi ?
Une femme parfaite,
Épouse dévouée
Pour le bonheur
De son foyer.

Elle travaille dur,
Mais c'est pour lui,
Pour son mari.
Un homme, bien sûr,
Qui le mérite.
Il est parfait !

Seule, elle médite,
Élève son âme
Loin des bonnes femmes,
Loin des ragots.

Il est jaloux
N'veut pas qu'elle sorte ?
C'est parce qu'il l'aime
Par-dessus tout.

S'il la dispute,
C'est pour son bien,
Pour la garder
Sur l'droit chemin.

Et si parfois
Il lève la main
C'est qu'il est homme
Et non un saint.

Elle est si sotte, si paresseuse,
Si peu lubrique, si ennuyeuse...
Quel homme, autre que lui,
Pourrait donc l'aimer cette pauvre Marie ?

Elle crie, elle pleure, est toujours triste...
C'est à tout dire une hystérique.

Puis un matin
S'en vient Éva,
Sourire taquin,
Colis au bras...

«J'ai des gâteaux à partager et je les porte à l'assemblée.»

Marie la suit,
Parle, mange et rit.
Et puis elle pleure,
Et on l'écoute.
Toutes sont des sœurs,
Aucune ne doute.

En fin d'après-midi,
S'en vient Jean-Louis,
Pour chercher sa Marie.
Mais les femmes assemblées
S'emparant de rochers
L'enfouissent sous un pierrier.

À Villoulâme
Gentil pays
Certaines femmes

N'ont pas d'mari. 

dimanche 16 juin 2024

Devinette (52)

Oyez la complainte du rentier

Qui fait payer l'droit d'habiter.

Devinette (51)

 Un théorème célèbre, plus brillant que le strass

Preuve par dichotomie , un classique fait en classe

Je permet par les suites d'étudier un espace 

Et sa compacité je la prouve avec grâce.

Devinette (50)

Toujours là à ta table

Je suis indispensable.

Devinette (49)

 Notre glorieuse nation, héroïque 

Unie par une même flamme, fantastique 

Vibrant à l'unisson, sans critique 

D'une même voix s'exclame, extatique :

«Vive les annonceurs et leur clique

Puis nos hommes supérieur, force mythique !»

Que valent nos étudiants, scholastiques

Délogés par le CROUS et les flics ?

Vous autres les sans-dents rachitiques

Oubliez vos misères pathétiques 

En embrassant les rêves narcotiques 

Que la télévision emphatique 

Diffuse dans vos salons. Panégyrique 

À la gloire des mécènes sympathiques

Qui mènent une grande guerre athlétique 

Contre les autres pays despotiques.

Devinette (48)

Devinette éphéméride du 8 mai : 


Célébrant la victoire s'assemble une manif 

Qui rassemble pleins d'espoirs des jeunes, des oulémas,

Toute une population d'colonisés rétifs. 

Jour de libération, jour où l'on acclama

Le porteur d'un drapeau, une hampe en bois d'if

Surplombant comme un mât la foule qui l'emporta.

Voilà que la police, énervée, met le mât 

En joue, tire, et abat l'étendard qui chuta.

Un jeune scout le relève, mais c'est définitif 

Une balle en plein coeur le coucha sur le tas.

S'ensuivent pendant des jours des massacres massifs

Qui sèment la terreur et ont pour résultat 

Le calme des cimetières, des années d'omerta.


Devinette (47)

 Un récit dessiné, fixe cousin du cartoon

Qu'on lit sur téléphone en mangeant des bobuns.

Devinette (46)

Quand il revient 

On chante soudain.

Devinette (45)

 (Admirez les rimes à l'hémistiche pour le prénom 😅)


J'suis un bon citoyen qui paye beaucoup d'impôts.

Mon frère politicien servit nos commensaux

Jusqu'à sa mort, funeste accident d'hélico.

Comme j'ai eu le mérite de naître où il le faut

Je cogère une holding aux profits colossaux.

Les produits que je vends, succès universaux

De l'Ukraine à Gaza et jusqu'à Macao

Sont finement décrits par mon bon figaro.

Tu prépares une tuerie ? Je te fais ton trousseau. 

Si un client périt en montant à l'assaut 

Ce n'était qu'un conscrit, un pauvre vermisseau 

Dans une grande boucherie où ils meurent comme des sots.

Devinette (44)

Contre sens critiques,

Écrits épiques 

Trop emphatiques :

Voltaire se pique 

D'écrits scéniques.

Devinette (43)

 Ils redressent un drapeau, les insurgés se bougent, 

Leur sang bout, ils s'enflamment et brandissent des vouges. 

Églantine au chapeau, ils vont reprendre aux bourges

Fraises, cerises et tomates, radis, airelles et courges.

Devinette (42)

 Ange porteur de lumière 

Qui de fond des enfers

Du tyran se libère.

Devinette (41)

 Je suis une fleur robuste. La tige couverte d'épines 

Je pousse sur des arbustes et mon ombre enfantine

Fait paraître une usine qui au loin se mutine. 

Se répand dans les rues une foule qui trotine 

Réclamant chaque jour seize heures loin des machines.

Voilà ma tige fauchée à coups de chevrotine. 

On dresse des gibets, la justice assassine

Les amoureux des fleurs qui me prirent pour insigne. 

Mais je refleurirai. Chaque fois qu'on me piétine 

Mes graines tombées au sol font croître des guillotines.

Devinette (40)

 Les blés 

Rentrés 

Séchaient

Et les 

Congés 

Duraient.


Nager, 

Bronzer

Sous les 

Palmiers.

Devinette (39)

 Sous le ciel gris 

La pluie

Trempe mon gourbi

Moisi

Passe une souris

Transie

J'ai froid aussi

La nuit.

Devinette (38)

 Il a des droits,

Des terres, des bois,

Des actions, des titres bancaires 

Il crée de l'emploi,

Mais il ne sait rien faire

De ses dix doigts.

Devinette (37)

 Situé sur les hauteurs je suis, lampadaphore,

Le porteur de messages que la brume décolore.

Le cheminot me voit et son arrêt m'honore.

Et l'informaticien grâce à moi, sans efforts, 

D'une variable globale empêche l'accès à tort.

Devinette (36)

 Hymne, drapeau, mascottes

Plein de symboles au top,

Nous sommes une union myope

Qui pour le profit vote

Mais laisse sans équivoque 

Mourir à nos portes

L'intrus sans redingote.

Devinette (35)

 Misère du professeur qui travaille sans répit.